Quand l’homme t’a tendu un fruit à travers les barreaux de fer, ton regard est devenu implorant.
Soumis, tu as délicatement saisi la pomme qui s’offrait à toi, " le goûter ", comme il a dit, pour t’occuper.
Parfois, il peut aussi te jeter un sac en papier rempli de morceaux de pain pour te faire croire à la difficulté en le déchirant d’un seul coup de griffes.
Tu es passé de ta salle à manger, à ta chambre. C’est encore lui qui a ainsi décrit ces cages en béton de 4m sur 2m, sombres, froides, terrifiantes.
Des prisons !
Chaque moment, chaque heure de la journée qui s’écoule, n’a pas de secret pour toi. Tu reconnais parfaitement le pas de l’homme qui vient pour te nourrir, et tu l’attends, tu n’as que cela à faire, attendre ce maître qui détient tout, les clés et de quoi te faire survivre.
Alors en échange, tu penses qu’il est bien de se montrer docile et de temps en temps tu viens faire un tour à l’extérieur pour plaire aux autres, ceux qui ont payé l’entrée et qui veulent voir à tout prix des animaux " heureux ", sans trop s’interroger pour ne pas contrarier une journée de congé. Ils sont tous là, à te regarder survivre.
Parfois, un enfant plus intelligent que les autres se pose des questions :
- " Mais papa, il est heureux l’ours ? "
- " Mais bien sûr, mon enfant, tu vois bien qu’il joue avec une
balle ! "
Mais qu’es tu devenu, toi l’animal magique, mythique, tant admiré pour ta puissance et ta force : l’OURS.
Comment l’homme a t-il pu te réduire à cela, t’anéantir à cela, à n’être rien, ne plus exister, être mort.
Toi qui chaque jour, dans la nature sauvage, doit lutter pour vivre, pour te nourrir et te protéger.
Toi dont le principal but de tes journées est d’engraisser à tout prix pour te préparer à l’hibernation, ce long sommeil…
Tout au long de ce sombre couloir carcéral, sont alignées les étroites cages, les prisons en fer.
Toi, tu ne sombreras pas dans ce sommeil magique qui reste encore secret pour beaucoup de scientifiques.
Peut-être que le soir, au fin fond de ton âme, tu t’efforces d’y croire très fort.
Peux-tu encore rêver à ces jours heureux où tu vivais en pleine nature, où tu étais libre ?
Isabelle Boyaval |